La baleine grise (Eschrichtius robustus) est représentée dans la faune actuelle par deux populations dans l'Océan Pacifique : La population « de Californie » qui compte plus de 20 000 animaux et celle « du Pacifique ouest » qui compte, au plus, quelques centaines d'animaux (peut-être moins de 200). Comme presque tous les mysticètes (baleines à fanons), ces populations sont migratrices. La population de Californie évolue entre la péninsule mexicaine de Basse Californie et la mer de Béring et les mers voisines (des mers prises par les glaces en hiver). Elles se nourrissent en été dans ces mers polaires quand elles sont libres de glace et se reproduisent en hiver dans des lagunes de Basse Californie où les femelles mettent bas en hiver, d'où une double migration, au printemps et en automne. Cette population a fait l'objet d'une chasse industrielle dans la seconde partie du XIXe siècle, chasse qui a mis en danger sa survie. L'espèce n'a retrouvé un niveau de peuplement « normal » qu'après cinquante ans de protection légale au XXe siècle.
Au XIXe siècle, des découvertes archéologiques furent faites sur les côtes européennes, en Europe du Nord, Suède et Grande-Bretagne, et plus tardivement aux Pays-Bas. A la fin du XIXe siècle, la comparaison de ces restes avec le squelette de la baleine grise de Californie conduisit à une conclusion surprenante : elles appartenaient à la même espèce. Depuis, des restes archéologiques et des témoignages historiques ont été mis à jour sur la population de la rive américaine de l'Atlantique, et des documents relatifs à une population sur les côtes de l'Islande ont été publiés en langue anglaise : ces deux populations ont perduré jusqu'à la charnière entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
Du côté européen de l'Atlantique, d'une part les restes archéologiques sont plus difficiles à interpréter que de l'autre côté de l'Atlantique et d'autre part, il n'y a que très peu, voire aucun, document relatif sans ambiguïté à cette population de baleines grises.
En plus d'une extinction précoce de cette population, diverses causes possibles méritent d'être étudiées, dont la plus frustrante est l'habitude des écrivains de l'Antiquité et du Moyen Âge de rester, sauf exception, au niveau générique dès que le discours concerne de grands cétacés. L'exposé s'attachera à montrer les limites des connaissances ainsi véhiculées, ainsi que d'autres difficultés subtiles qui affectent le discours quand celui-ci a pour objet des animaux disparus.